![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() (Citrus medica, Angl: citron, citron cedarlemon; All: zedratzitrone, zitronatzitrone; Ital: cedro; Esp: cidro; Arabe marocain: laranj) D’origine indienne, le cédratier de la famille des Rutacées comme les autres Citrus, découvert par les Grecs en Perse, est le premier agrume introduit et acclimaté en Europe Occidentale. C'est une des rares espèces à être en fleur et à donner simultanément des fruits toute l'année. Le cédrat ressemble à un énorme citron de forme irrégulière, à peau épaisse et rugueuse, à la surface toute bosselée et au mamelon moins prononcé que celui du citron. Il fait entre dix et vingt cinq centimètres de diamètre et il peut peser jusqu’à deux kilos! Il est cultivé en Asie et dans le bassin méditerranéen.
Les Romains qualifiaient aussi le thuya de citrus à cause de ses feuilles très amères. On l’appelle cédrat et l’odeur qui émane de l’arbre et de l’écorce du fruit évoque le cèdre, mais il n'y a aucune parenté botanique. L’agro di cedro des Italiens " aigre de cèdre " des Provençaux est du cédrat et n’a rien à voir avec les fameux cèdres du Liban.
Évidement les Anglais qui ne font jamais rien comme tout le monde l'appellent toujours citron, alors que notre citron est leur lemon!
![]() ![]() ![]() Les Chinois les connaissaient déjà au quatrième millénaire. Les cédrats sont mentionnés dans les textes assyriens et babyloniens. On les cultivait à Nipour, capitale religieuse des Sumériens, comme fruits sacrés dédiés à Enlil, dieu de la Terre et de l'Atmosphère.
Delille a traduit en ces termes les vers que Virgile a consacré au cédratier:
Pline l’Ancien qui mourut en 79 lors de l’éruption du Vésuve, cite tout comme Dioscoride et leurs contemporains l’écorce de cédrat parmi une liste de 60 arbres à parfum et plantes aromatiques, importés ou locaux, utilisés ou en fumigations, ou en onctions et huiles aromatiques, ou en gommes et entrant presque tous dans des compositions aromatiques. Pline parle d’huile odorante au cédrat obtenue par macération de fragments d’écorces dans de l’huile d’olive. Dans son Histoire Naturelle, il explique que « ces arbres de Palestine » ont été introduits en Italie mais que lui-même n’en n’aimait pas le fruit. Ce qui n’a pas empêché le cédrat de devenir un produit de luxe dont l’empereur Dioclétien fixa le prix maximum pour une unité à douze fois le prix du melon, soit 24 deniers, un prix exhorbitant! Les écorces de cédrats appartiennent à la « liste des épices indispensables dans une maison afin que rien ne manque aux assaisonnements » attribuée à Apicus. Pour conserver ces fruits et les faire parvenir dans tout leur empire, les Romains les conservaient dans des jarres remplies de sel, coutume toujours de mise dans le sud de l’Italie. Nous savons également que le cédrat était utlisé à l'époque à des fins magiques et que cela continua pendant la période médiévale. Le cédrat joue un rôle important dans la tradition juive et les rabbins ont imposés des normes très strictes sur l'harmonie de la forme, la fraîcheur, la perfection de la peau, l’absence totale de défaut des cédrats destinés à la liturgie. Pour en trouver un de digne d’y figurer il fallait en examiner des centaines pour en trouver un qui corresponde, et les fruits rejetés _ qu'ils soient gros ou petits, cela ne joue pas dans le choix _ alimentaient les marchés. Lorsque les Juifs se furent rebellés contre les romains en 66 de notre ère, ils furent dispersés dans différentes colonies romaines. Le cédrat jouant un rôle important dans le rituel de leur liturgie, beaucoup des points de chute où ils furent contraints de s’exiler sont devenus des centres de production de cédratiers. Ce fut le cas de l’Espagne méridionale, de la Sicile, de l’Italie, la Tunisie et l’Algérie, le delta du Nil, la Turquie, la Syrie et les côtes du Liban. Là où il n'y avait pas moyen de faire pousser de cédrat qui est un fruit semi-tropical, les gens dépensaient beaucoup de temps et d'énergie pour s'en faire envoyer n'en serait-ce qu'un seul pour toute la communauté. Aucun autre type d’agrume ne fut cultivé en quantité importante jusqu’au 10e siècle, époque où les Arabes les introduisirent à nouveau en Europe, suite à leurs conquête de l’Espagne et des Balkans. En Italie, dans le Mezzogiorno, la culture du cédratier, du citronnier et des oranges amères a pris une grande ampleur à partir du 13e siècle pour alimenter les marchés urbains. Au départ ce sont les propriétaires fonciers qui ont imposé à leurs métayers la culture des agrumes en nombre suffisant pour répondre à leurs besoins en fruits. On les cultive en Corse depuis le 4e siècle de notre ère et la Corse reste un des premiers producteurs pour la confiserie, la confiturerie et la parfumerie. Les fruits confits, et parmi eux le cédrat, connus en Orient, à Rome et dans toute l'Europe médiévale, furent en France dès l'origine une spécialité du Midi où abondaient les vergers. Apt en Haute-Provence reste encore la capitale du fruit confit. Lors du banquet incroyable servi en Avignon pour le couronnement du pape Clément VI en 1344, et offert par le cardnal di Ciccarrio, des fruits confits multicolores furent offerts "pour la bonne bouche " en huitième et dernier service. Les fruits confits, alors parfumés avec force épices faisaient partie des "épices de chambre". On a beaucoup glosé sur les pommes d'or du jardin des Hespérides offerts par la Terre Mère à Héra et gardées par le berger Atlas et ses filles les Hespérides, sans pouvoir se mettre d'accord sur la nature de ce fruit. Selon le mythe grec, ce jardin était situé au couchant, à l'extrême-occident, là ou commençait l'autre monde, celui des morts. Mauritanie, Maroc, Canaries, Portugal? En tout cas, au-delà des colonnes d'Héraclés ou d'Hercule, c'est-à-dire du détroit de Gibraltar. Si tout le monde est d'accord là-dessus et veut bien admettre que ces fruits d'immortalité dérobés par Heracles ne pouvaient être des oranges inconnues dans ces régions à l'époque, l'opinion des spécialistes reste partagée entre les partisans du cédrat et ceux du coing. La Fontaine penchait dans Psyché pour le cédrat.
Selon l'ouvrage de la mère du superintendant Fouquet, le Thresor des receptes au lit des malades, l'aigre de cèdre ou aigre de cédrat était une "orangeade aiguisée de citron vert, édulcorée au miel de Narbonne, au suc de mûres blanches, et puis légèrement aromatisée avec de l'écorce de cédrat rouge ". Cet aigre de cèdre était très à la mode et Richelieu, comme beaucoup de ses contemporains, en était grand amateur. En période d'été, il en aurait consommé trois à quatre litres par jour.
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Le cédrat confit se déguste tel quel ou peut être intégré à une confiserie, à un plat sucré ou même salé.
![]() ![]() ![]() Le cédrat est utilisé en confiserie. Le cédrat confit figure en bonne place parmi les " treize desserts de Provence " qui sont en fait bien plus nombreux. En voici quelques-uns: figues sèches, raisns secs, dattes, amandes, noisettes, noix, oranges, fruits confits d'Apt, prunes de Brignoles, pâte de coing, calissons, nougâts, poires d'hiver, fougasses, etc. L’écorce peut être employée à la façon de l’écorce de bigarade ou de citron en pâtisserie ou en cuisine salée. Dans ce cas il est recommandé de faire macérer le zeste dans de l’eau salée toute une nuit. Les Anglais qui l’appellent limon l’utilisent dans les cakes. Dans l'acte II de Cyrano de Bergerac, Edmond Rostang nous livre la recette des "tartelettes amandines" où le jus de cédrat apporte sa petite note aigre:
Quelques oeufs; Incorporez à leur mousse Un jus de cédrat choisi; Versez-y Un bon lait d'amande douce Mettez de la pâte à flan Dans le flanc De moules à tartelettes; D'un doigt preste, abricotez Les côtés; Versez goute à goutelette Votre mousse en ces puits, puis Que ces puits Passent au four et, blondines Sortant en gais troupelets Ce sont les Tartelettes amandines. "
On peut utiliser aussi le jus de cédrat pour acidifier un plat comme en Orient ou pour déglacer une poêle où on a fait revenir une sole, des langoustines ou du veau.
![]() ![]() ![]() Autrefois très apprécié des Anciens comme antiseptique et antidote, le cédrat a complètement été négligé au profit du citron dont il a des qualités proches. [HAUT DE LA PAGE] ![]() ![]() ![]() ![]() En raison du grand nombre de ses graines, c’est un symbole de fécondité dans toutes les civilisations.
Les juifs préparent en signe de gratitude un cédrat et un bouquet, le loulav, image de la vie dans ses multiples avatars, composé d'une palme, de trois rameaux de myrte et deux de saule. Les juifs doivent se présenter au temple, le jour de la fête commémorant la destruction du temple de Jérusalem, en tenant et en agitant le loulav dans la main droite et avec un cédrat, l'ethrog dans la main gauche. Le loulav et le cédrat forment les " quatre espèces " qui, comme l'explique fort bien Colette Estin, dans Contes et fêtes juives, " disent la terre, la fertilité, la stabilité. La forme phallique du loulav et celle féminine de l'ethrog ont développé l'interprétration d'une union symbolique dans laquelle s'écoule le flux divin. Dans la Kabbale, les trois brins de myrte repésentent l'amour, la magnificence et la force et les deux rameaux de saule le triomphe et la beauté, le loulav est "la fondation" incluant l'énergie sexuelle et l'ethrog la royauté. Mais selon une des interprétations les plus courantes, les quatre espèces correspondent à quatre différents types de personnalité existant parmi les juifs. Le goût symbolisant la connaissance, et le parfum les bonnes actions, le cédrat représente ceux qui ont les deux à la fois; le loulav a le goût mais pas de parfum, alors que pour le myrte, c'est l'inverse: le saule, qui n'a ni l'un ni l'autre, est comme les ignorants qui ne commettent même pas de bonnes actions. Dieu a décidé qu'il était impossible d'éliminer le dernier groupe; c'est pourquoi il désire que les quatre espèces soient liées ensemble afin qu'elles se compensent l'une l'autre. "
La palme symbolise aussi la victoire, le saule l'exil d'un peuple humilié, le myrte la virginité et le cédrat l'abondance et la fécondité.
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